L’incroyable accélération de la fintech française

15 juillet 2015
Apparus au début des années 2000, les acteurs numériques de la finance bouleversent le secteur. Aujourd’hui, ils multiplient services et levées de fonds, et se structurent pour faire entendre leur voix.

Et une de plus ! Prêt d’Union augmente son capital de 30 millions d’euros. Les bébés nés du mariage du numérique et de la finance poussent à toute allure, comme le prouve cette levée record annoncée jeudi 2 juillet. La plate-forme de crédit entre particuliers accueille à son nouveau tour de table deux actionnaires emblématiques : la société d’investissement Eurazeo, plutôt habituée aux gros LBO, ainsi que Pierre Kosciuscko-Morizet, fondateur de Price Minister et vétéran de l’internet français, via son fonds Kernel. Ils rejoignent les investisseurs historiques : l’assureur AG2R La mondiale, la banque Arkea, Weber Investissement (holding des fondateurs de la Financière de l’Echiquier) et Kima Venture, le fonds de Xavier Niel et Jérôme Berrebi. Joli casting… « C’est un passage à la maturité », se réjouit Charles Egly, co-fondateur et président du directoire de Prêt d’Union.

La fintech a maintenant son incubateur

Née au tout début des années 2010, la fintech – néologisme né de la contraction de « finance » et « technologie » – connaît depuis un an et demi une incroyable accélération. Pas une semaine ne s’écoule sans qu’on apprenne le lancement d’un nouveau service ou une nouvelle levée de fonds. Avant Prêt d’Union, la plate-forme de financements de factures FinexKap avait ainsi récolté 18 millions, la plateforme de crédit aux PME Lendix 7 millions, le service de cagnottes en ligne Leetchi 4 millions… Pour accompagner ce mouvement,  le fonds Truffle Capital vient d’inaugurer un incubateur spécialement dédié à cette industrie. « L’objectif, c’est la fertilisation croisée. Le partage d’expérience sera précieux pour les start-ups incubées,  sachant que les business models sont encore en devenir », explique Bernard Louis Roques, directeur général du fonds. L’accélérateur héberge pour démarrer quatre sociétés : Paytop, une société offrant des solutions de paiement innovantes, Credit.fr, une plateforme de financement participatif, Smile&Pay, une start-up dédiée aux paiements par mobile et enfin Wizzypay, jeune entreprise développant des cartes prépayées.

Service, simplicité, prix

Après avoir bouleversé l’économie du transport, de l’hôtellerie et de la distribution, la vague digitale atteint donc aujourd’hui la banque. « Les avancées technologiques permettent des développements beaucoup moins coûteux et rapides. Tous les maillons de la chaîne sont aujourd’hui touchés : crédit, conseil en épargne, gestion du budget…», explique Julien Maldonato, associé chez Deloitte. Ces troupes légères viennent taquiner les bataillons blindés des banques avec des armes légères mais puissantes : simplicité, prix, service.

L’offensive est soutenue par l’intérêt grandissant des consommateurs. Car les Français n’hésitent plus à tester de nouveaux services financiers. 3,5 millions de personnes sont passées par le site Leetchi pour faire un cadeau collectif ou réunir une cagnotte. Un million de personnes surveillent leurs dépenses grâce l’application Bankin. Compte Nickel, le compte bancaire disponible dans les bureaux de tabac, a conquis plus de 120.000 clients. Et Prêt d’Union octroie chaque mois 15 millions de crédit aux particuliers.

Les acteurs se structurent

De plus en plus nombreux et solides, ces nouveaux acteurs se structurent. C’est ainsi qu’est née le 11 juin l’association France Fintech. Cette jeune cousine du lobby France Digitale entend faire valoir les intérêts de ses adhérents – une trentaine de start-up – auprès des pouvoirs publics et du régulateur. « Nous voulons aussi représenter le secteur à l’international», complète Alain Clot, président de France Fintech, ancien directeur de la stratégie de la Société Générale, devenu cofondateur de la place de marché The Assets.

La bataille mondiale s’annonce rude

Justement, sur les marchés mondiaux, la bataille s’annonce rude. Des acteurs anglo-saxons ont déjà déboulé en France, à l’instar de KickStarter, le numéro un mondial du crowdfunding, arrivé en mai dernier, ou de la Britannique GoCardLess, venue en avril sur les plates-bandes du français SlimPlay. Et les grandes manœuvres ne font que commencer. Alibaba, le géant chinois du Net, s’est ainsi allié à Lending Club, la plate-forme de prêts sur internet cotée à Wall Street. Par le montant des investissements, la France reste à la traîne des Etats-Unis et du Royaume Uni. Mais « en termes de technologies, la France n’a pas à rougir», souligne Céline Lazorthes, la fondatrice de Leetchi. Et les Frenchies ont de l’ambition à revendre. Prêt d’Union compte par exemple s’implanter en Italie d’ici mars prochain et en Espagne fin 2016. « Les entrepreneurs français de la fintech seront de sérieux adversaires », conclut Julien Maldonato.

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