Le Ninkasi, entre innovation et développement – Interview avec le fondateur

8 juillet 2021

Brasserie Lyonnaise au goût unique, le Ninkasi est une institution auprès des Lyonnais.  Vivre l’expérience Ninkasi, c’est goûter au mélange subtil de restauration, boisson et musique. A la tête de l’établissement depuis 1997, Christophe FARGIER en est aussi le fondateur. Malgré une crise sanitaire sans précédent, le Ninkasi réalise un tour de force avec la création d’une nouvelle franchise et des perspectives de croissance multiples dans cette période historique.Remise en question, plan d’aide, nouvelles perspectives et nouveaux défis, Christophe nous livre les secrets d’une entreprise qui a su réussir à se développer en pleine pandémie mondiale.Cadénac vous propose une rencontre avec celui qui a transformé son rêve d’adolescent en réalité.

Interview réalisée par Camille COURTAT, le 22 juin 2021, au siège social du Ninkasi.

christophe fargier
Christophe Fargier, fondateur du Ninkasi.

Vous êtes à la tête du Ninkasi qui est une fierté auprès de tous les Lyonnais et une des plus grandes success story de la région, comment décririez-vous le patron que vous êtes ?

Je dirais d’abord, entrepreneur. Cette envie irrépressible de vivre de belles histoires, de développer des idées et des projets avec un souci du sens, de l’épanouissement des gens que l’on embarque et du plaisir que l’on prend.

Pour moi l’entrepreunariat c’est une aventure humaine. J’aime beaucoup le slogan qu’on a trouvé récemment « Les belles rencontres nous font grandir », j’ai vraiment l’impression que le moteur de l’aventure, ce sont les personnes que l’on embarque autant en interne qu’en externe avec une logique d’écosystème. Le fait de concevoir un projet qui s’enracine et vivifie le territoire dans lequel il se développe.

C’est donc l’aventure humaine qui vous a guidé ?

Oui, d’ailleurs je pense que nous sommes des êtres profondément sociaux et on s’en est rendu compte avec la crise : on a besoin d’interaction, de tisser des liens, de donner du sens et de construire de belles histoires. Aujourd’hui, il faut que chacun puisse trouver sa place dans une aventure.

Souvent, on me demande comment la pérennité du Ninkasi s’entretient. Il est vrai que l’entreprise attire des investisseurs, notamment pour évoquer le cas d’une cession d’entreprise. Mais j’ai le sentiment que ce n’est pas le sens de l’histoire du Ninkasi. Ce serait renoncer à la promesse de l’aventure. Même si la dimension économique n’est pas négligeable, c’est loin d’être la seule dimension que l’on intègre pour construire notre projet.

 

« Entreprendre c’est faire des rencontres, c’est du sens, du plaisir mais aussi du risque ».

 

A l’époque de création du Ninkasi, quelle était votre vision ?

C’était de prendre du plaisir, j’ai aimé ce projet parce qu’après avoir fait une école de commerce je me lançais dans l’apprentissage de la fabrication de la bière. Ce qui m’a plu, c’est le fait de fabriquer quelque chose de mes propres mains. Après nous nous sommes rendu compte que pour vendre notre bière, il fallait construire un lieu attenant à cette fabrique d’autant plus que le marché de la brasserie était vraiment fermé.

L’idée d’une sorte de bar/restaurant/café/concert est née, à l’image de ce qu’on aurait aimé avoir quand on était étudiant.

Ninkasi
Le Ninkasi Gerland

Quand on me parle d’une vision stratégique, je pense que c’est un peu plus simple que ça. La première année était extrêmement compliquée.  On a été sauvé par la coupe du monde de 1998, puisque les supporteurs sont venus aux alentours (la brasserie se trouvant proche du stade de Gerland). Ils ont donc découvert notre établissement. On donne tellement de nous-même dans ce que l’on construit, ce que l’on propose, qu’on n’envisage pas que ça ne puisse pas marcher. Les efforts et l’énergie que l’on met sont extrêmement importants. C’est aussi cela qui fait le succès : Ne pas renoncer et tenir jusqu’à ce que le projet se développe.

Les entrepreneurs disent souvent que s’ils avaient été conscients des difficultés rencontrées pour développer leur projet, ils l’auraient certainement abandonné avant même de l’avoir commencé. C’est votre avis ?

Ce qui est sûr, c’est que j’ai vraiment conscience des sacrifices et des efforts que j’ai dû faire et c’est vrai qu’ils ont été énormes. Kurt qui est la personne avec qui j’ai démarré l’aventure, a perdu 16 Kilos la première année. On travaillait comme des malades ; ça m’est arrivé de fabriquer de la bière à 2 heures du matin après avoir passé la serpillère dans le Ninkasi et de faire des nuits blanches. Les premiers mois, nous n’avions pas la capacité d’embaucher. L’entreprise était en difficulté donc ceci nous marque profondément mais je ne regrette rien. Tout cela fait partie de l’histoire et ça nous a fait grandir. Ce sont des leçons, un apprentissage.

 

« Quand on est un chef d’entreprise, au-delà d’engager son capital on engage beaucoup de soi-même. »

 

 J’ai passé beaucoup d’années avec des rémunérations extrêmement faibles et un rythme de travail démentiel. Mon investissement est aussi là, et c’est aussi ce qui me rend légitime pour diriger l’entreprise et avoir un poids significatif dans le processus de décision. C’est aussi une façon de justifier le fonctionnement de l’entreprise.

D’autres personnes dans l’entreprise se sont aussi investies, d’ailleurs 13% du capital est détenue par des salariés qui se sont fortement impliqués et ont contribué de manière significative à la réussite de l’entreprise.

 

« Il y a la volonté d’élargir l’actionnariat salarié et de le proposer à toutes les personnes qui sont dans une démarche entrepreneuriale dans l’entreprise ».

 

Tout commence à Lyon, pourquoi Lyon et pas une autre ville ?

Je suis Stéphanois et St Etienne n’étant pas une ville qui, pour moi, avait le potentiel suffisant pour accueillir un projet novateur à l’époque, j’ai choisi Lyon pour me donner toutes les chances de réussir. Nous avions envie de trouver un lieu relativement grand pour donner une dimension ambitieuse à notre fabrique de bière, nous avons investi dès le démarrage dans un système de vingt hectolitres et puis dans la création d’un lieu de consommation attenant. On a eu la chance de trouver ce bâtiment à Gerland qui était une ancienne entreprise de transport (1500 m2) qui nous a permis de développer à la fois la fabrique de bière et le café-concert.

Pour nous, notre slogan « lieu de brassage », reflète bien l’idée d’un brassage des publics, de style de musique, de vies, de rencontres. Un lieu où se tisse le lien social avec une ouverture d’esprit qui permet de découvrir d’autres cultures. Je trouve qu’on en a particulièrement besoin puisque notre société est particulièrement fracturée. Je crois que le « vivre ensemble » est un enjeu particulièrement important.

Qu’est-ce qui vous a permis de vous différencier des autres brasseurs de la région Lyonnaise ?

Quand on a ouvert en 1997, il n’y avait que 3 établissements qui fabriquaient leur bière. On s’est inscrit dans cette histoire avec la volonté d’apporter du renouveau, de la modernité. Le but était de refaire découvrir les styles et la diversité de la bière. Les brasseries industrielles avaient donné lieu à des bières très uniformisées (bières blondes légères). A l’inverse, nous proposions des bières 100% maltes qui avaient du goût. Au début, beaucoup de clients avaient du mal à apprécier nos bières parce qu’elles étaient trop différentes. Les gens nous disaient que nos bières n’étaient pas bonnes. Notre bière est 100% Malt, elles sont produites avec du houblon, des levures de fermentation spéciales, épices aromatisées etc.

Tout ce travail d’évangélisation s’est étendu sur de nombreuses années. Petit à petit, des brasseries ont émergé et ont fait le même travail que nous.

Maintenant, une grande partie de la population a développé une connaissance de la bière. D’ailleurs, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la première région en nombre de brasserie. La France compte plus de 2000 brasseries de nos jours.

On peut dire que vous avez initié les Lyonnais à la diversité de la bière. 

On fait partie des précurseurs, on a ouvert la voie et on a été suivi par beaucoup de brasseries et je trouve que c’est génial de voir le chemin parcouru, les micro-malteries continuent de se développer. Après il y a encore du chemin, notamment lorsqu’il faut convaincre les agriculteurs de se lancer dans la culture du houblon. Ce sont des choses qui vont permettre de renforcer la localité de nos produits et même la spécificité de notre terroir. On est impatient de voir cela grandir.

Vous avez-eu des expériences Outre-Atlantique, notamment en Amérique, est-ce que cela vous a influencé dans votre manière de voir les choses sur le Ninkasi ?

J’ai passé 2 ans et demi aux États-Unis, où j’ai appris le métier de brasseur. En plus, l’aventure a démarré avec un ami Américain, Kurt Huffman, qui a participé pendant 10 ans à cette aventure. Les États-Unis m’ont donc fortement influencé. Ces derniers aussi l’ont été

avec l’Europe. Dans les années 90, les brasseries Américaines que j’ai visitées étaient toutes tenues par des maîtres brasseurs Européens puisqu’à cette époque, les brasseries fermaient en Europe. Ainsi, le phénomène des brasseries indépendantes en Amérique a été insufflé par l’Europe. Puis, l’Europe s’est inspirée des États-Unis. Ce mouvement craft a permis de ramener la bière en France.

Et vous n’avez pas eu peur de vous lancer dans la culture de la bière alors qu’elle avait disparu en France ?

Non, parce que lorsque j’étais étudiant, je voyais bien que la bière était un produit très consommé et j’étais moi-même adepte de bière qui avait du goût. Je percevais qu’il y avait du potentiel pour proposer une gamme de bière différente avec un goût prononcé. La France a cette culture de l’excellence gastronomique donc c’était un terreau favorable pour développer le projet que l’on avait.

J’ai vu que vous sortez un nouveau burger 100% traçable, quelle place prend la restauration dans votre brasserie ?

Le Ninkasi est un projet industriel dont le cœur est la fabrication de boisson (principalement de la bière). On s’est aussi lancé dans les spiritueux (notamment le whisky), le cidre et même une gamme de soda. Nous avons créé nos propres réseaux de distribution puisqu’en 1997, le marché de la bière était très fermé.

 

« La particularité de notre modèle c’est d’avoir une distribution dans un réseau intégré et externe. »

 

Il y a une vraie synergie entre ces 2 réseaux de distribution puisque nos établissements sont des lieux d’expérience « vivre l’expérience Ninkasi ». La restauration et la musique en sont des éléments essentiels. Nos établissements sont des lieux de vie où l’on vient partager un moment de plaisir en écoutant de la musique, en buvant une bière et en mangeant. « Bières, Burgers, Musiques » sont les 3 piliers de l’expérience Ninkasi. On veut être créatif dans ses 3 domaines.

Dans celui de la musique, nous souhaitons accompagner des jeunes artistes pour qu’ils puissent vivre de la musique et qu’ils puissent créer.

Dans celui de la boisson, nous voulons être extrêmement innovant, développer de nouvelles recettes.

Dans le domaine de la restauration, nous voulons encourager l’innovation et la créativité comme avec le burger 100 % traçable. Ces ambitions pour ces 3 domaines, nous les réalisons de manière écosystémique, c’est-à-dire en développant des relations fortes avec des fournisseurs qui deviennent des partenaires.

 

« Essayer de construire un modèle vertueux, c’est vraiment le sens de notre projet ».

 

On veut avoir un modèle qui soit durable sinon il n’y a aucun sens à ce que l’on grossisse. Il est beaucoup plus facile pour nous aujourd’hui d’ouvrir des filières qu’il y a 10 ans. Aujourd’hui, accompagner un agriculteur dans un changement de ses pratiques ce sont des choses qu’on commence à être en mesure de faire alors qu’il y a quelques années on n’en avait absolument pas les moyens.

Avez-vous déjà eu à faire une levée de fonds ?

Oui, au tout début de la vie du Ninkasi, il y a eu la Love money où on a sollicité la famille, les amis etc. Ensuite on a attendu longtemps avant d’en refaire une puisque c’est en 2013 qu’on a fait rentrer un Business Angel. C’était une très belle rencontre et ça m’a permis de rompre ma solitude de dirigeant tout en partageant mes doutes avec quelqu’un qui avait de l’expérience dans ce domaine. En 2017, on a fait une levée de fonds où nous avons vraiment consulté des fonds d’investissements. Une structure qui s’appelle Maelo est rentrée au capital. Maelo est un fonds qui mobilise du capital auprès des chefs d’entreprises de la région. En fait, nous y allons progressivement (BA, fonds de chef d’entreprise). Cette gouvernance actuelle avec des chefs d’entreprises est intéressante puisqu’ils ont vraiment une vision entrepreneuriale de notre projet notamment comme le projet du whisky. Je pense qu’un fonds classique n’aurait pas adopté aussi facilement notre idée. La fabrication de whisky comporte de nombreux aléas puisqu’il faut au minimum 3 ans pour sortir un alcool de la sorte. Or, lorsque que nous avions présenté le projet en comité stratégique, les chefs d’entreprise ont directement apprécié le projet et nous ont soutenu.

 

« Pour la première fois, on a pu bénéficier d’un regard extérieur sur la gouvernance de notre entreprise. »

 

Au fil du temps, on a amélioré notre système d’information et notre capacité à se projeter. Nos business plans sont beaucoup plus réalistes et je pense qu’à l’avenir nous serons prêts pour faire rentrer un fonds d’investissement plus classique.

 

 « Ces deux levées de fonds nous ont vraiment fait grandir et progresser. »

 

Vous venez d’ouvrir un restaurant à Dijon, pourquoi cette ville ?

On se développe à la manière d’un escargot, on élargit notre cercle d’influence. Nous sommes déjà à 21 établissements. Dijon, c’est le premier restaurant hors de la région Auvergne-Rhône-Alpes. D’ici 2022, on va ouvrir à Valence et à Rouen. De plus, nous sommes très avancés sur un projet à Bordeaux et à Montpellier.

Notre choix consiste à s’implanter dans la région pour construire de manière solide. Nous avons longtemps communiqué sur les circuits court et sur notre approvisionnement local.

Vous nous avez parlé de votre ami Kurt, participe-t-il toujours dans la gouvernance de vos établissements ?

Kurt est reparti en 2005 aux États-Unis parce qu’il avait besoin de se rapprocher de ses amis et de sa famille. Mais aujourd’hui, j’ai une très belle équipe autour de moi. Je mets énormément de soin dans la relation, dans la qualité de dialogue et dans le fait d’être pour eux une personne ressource afin de les aider dans les projets qu’ils entreprennent. Je pense jouer un rôle important dans le cap et la stratégie mais dans la mise en œuvre opérationnelle, le Ninkasi tourne sans moi. Sur chacun des périmètres, les personnes aux manettes possèdent une qualité de pilotage excellente. Je suis donc assez confiant.

Cette crise nous a permis de montrer à quel point l’humain est une richesse et une force dans l’entreprise. C’est d’ailleurs ce que je rappelle à mes équipes, je leur dis que si un jour tout s’écroule, nous serons capables de tout reconstruire.

 

« La vraie richesse c’est cette capacité qu’on a de rêver et de transformer nos rêves en réalité, et ça la crise ne peut pas nous l’enlever. »

 

Vous êtes un des rares groupes de la restauration à s’être développé pendant la crise, comment avez-vous fait ?

Cette crise est un peu paradoxale, elle nous a bien affaibli puisqu’il y a eu des pertes en lien avec le domaine d’activité. Comme on est un groupe, nous avons été beaucoup moins aidés qu’un restaurant indépendant. On a été obligé d’activer des PGE et nos fonds propres ont été entamés mais finalement, cette crise nous a conforté.

Le fait d’être une entreprise avec des convictions fortes, engagée et surtout indépendante, a renforcé notre modèle. Quelqu’un qui veut vivre une expérience et une belle aventure, va se tourner vers le Ninkasi. Aujourd’hui, on a des sollicitations qui sont plus nombreuses, on réussit à ouvrir 5 établissements en 2021 et 7 en 2022 donc cette crise sanitaire a eu un effet d’accélération de notre développement.

Sur la vente de bière, on a eu une explosion de nos ventes que ce soit dans la grande distribution comme auprès de nos cavistes. Nous ne sommes pas simplement dans le discours, on apporte des preuves très concrètes sur nos engagements. La dynamique et les perspectives sont extrêmement bonnes.

Malgré tout, il faut que l’on reconsolide nos fonds propres notamment avec les obligations de relances. Et puis, nos actionnaires ont accepté de convertir la totalité de leurs OC (Obligations Convertibles) en capital ce qui nous a permis de continuer notre activité.

Actuellement, nous réfléchissons à la cession d’un actif pour avoir de nouveau la capacité d’aller de l’avant.

En parlant d’avenir, quel projet le plus fou vous réservez au Ninkasi ?

Nous avons un très gros projet : l’ouverture d’une usine à Tarare. C’est un projet qui va nous coûter 25 millions d’euros en 2023 et on aura certainement une dizaine de millions d’euros d’investissement sur les 5 années suivantes pour que l’outil soit totalement opérationnel.

On parle donc d’un investissement à 35 millions d’euros.

 

« À cause de la crise notre CA est passé de 30 à 16 millions. »

 

Cette diminution nous amène à nous questionner sur la réalisabilité du projet mais comme le dit notre slogan, nous sommes « une entreprise ambitieuse, indépendante et engagée ».

Après l’ouverture de cette nouvelle usine, nous voudrions créer notre siège à Oullins et en faire un lieu vitrine. Notre idée est d’assumer notre ancrage dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et de revendiquer que nous sommes une entreprise régionale.

L’idée c’est que pour vivre l’expérience Ninkasi, il faut se rendre à Lyon. Nous voulons créer un lieu d’expérience unique réunissant toutes les conditions de la créativité, de la musique, de la boisson. Un lieu où les invités seront divers ; des chefs cuisiniers, des musiciens, des experts de la bière etc. Et puis, pourquoi pas des musiciens passionnés de whisky, avec la possibilité d’assembler ce spiritueux tout en jouant. Finalement, faire un siège qui soit le lieu de rencontre de ces 3 univers pour favoriser la création. C’est notre rêve.

Je suis donc convaincu qu’on portera ce projet jusqu’à son terme et qu’en 2025 il y aura un magnifique lieu totem.

 

« On a une énorme force au Ninkasi, celle de transformer nos rêves en réalité. »

 

Vous nous parlez de Paris, vous avez déjà pensé à vous y implanter ?

Oui, on ne serait pas contre mais on se développe sous le format de la franchise donc l’idée c’est plutôt de trouver un franchisé qui souhaitera ouvrir un établissement sur Paris plutôt que nous-même.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes entrepreneurs qui ont envie de se lancer dans une aventure similaire à la vôtre ? 

Je pense que dans la vie, il y a 2 énergies qui sont importantes lorsque l’on veut entreprendre : l’énergie du rêve et celle de l’hyperréalisme. Il ne faut pas se brider mais se servir de ses rêves pour basculer dans la réalisation.  L’hyperréalisme c’est la capacité à passer à l’action. Souvent, je vois que les gens en reste aux rêves et ne franchissent pas le pas de l’action. Pour moi, ces deux énergies sont indissociables. L’action nourrit le rêve et le rêve nourrit l’action. Je pense que lorsque l’on porte un projet, il ne faut pas craindre de parler de ses idées, de ses projets et de créer une dynamique collective. C’est un élément clé de réussite. La proposition s’enrichit par les interactions en interne.

Aujourd’hui, c’est en équipe que l’idée se développe. On le voit avec les vaccins. Ce sont des équipes de chercheurs, un collectif qui permet de se mettre en condition de réussite.

Aujourd’hui, je suis un chef d’orchestre et j’ai mon orchestre. Je peux vous assurer qu’il y a plein de gens dans mes équipes qui jouent du violon bien mieux que moi. J’aime beaucoup cette image de la pyramide inversée : un chef d’entreprise n’est pas au sommet mais à la base. Je suis là pour créer les conditions de réussite au service de mes équipes. Je pense qu’il faut se questionner sur le rôle et la manière dont on construit nos organisations.

Pour moi, il est très important de donner de l’autonomie et de la responsabilité aux équipes. Les gens veulent se sentir considérés, avoir la possibilité d’être dans la prise de décision, d’être à proximité des gens qui prennent les décisions.

Comment faites-vous pour rester fidèle à vos valeurs humaines alors que votre entreprise tend à s’industrialiser de plus en plus ?

 

« Je ne me considère pas comme quelqu’un de génial, de brillant et je veille à ce que mon égo ne grossisse pas ».

 

Nous sommes assez petits comparés à des licornes (sociétés valorisées à plus d’1 milliards d’euros). Après, je considère l’égo comme le poison de l’homme.

Si on a un égo démesuré, il n’y a plus de qualité de dialogue, il n’y a plus d’écoute ni de coopération ni même de délégation.  Cela étant, lorsque l’on veut développer un projet il y a toujours une démarche personnelle. Mais généralement, lorsque vous prenez plaisir à travailler avec des gens avec lesquels vous vous entendez bien, les gens en prennent aussi. Le projet devient un plaisir partagé. Il faut donc de l’humilité.

D’ailleurs, je trouve que les femmes ont beaucoup moins ce problème d’égo et c’est une des raisons pour laquelle l’égalité hommes-femmes est indispensable.

Comment résumeriez-vous votre ambition ?

Aujourd’hui, je suis un porte-parole du Ninkasi mais si vous parlez à d’autres personnes de l’entreprise, ils vous parleront des mêmes rêves, des mêmes projets.  Il s’agit d’une ambition collective lorsque l’on parle de la construction d’un projet. Écrire une belle histoire pour qu’à la fin de notre vie on ait cette satisfaction d’avoir réalisé de belles choses qui ont du sens. Même s’il me reste de nombreuses années à la tête du Ninkasi, il faut que je commence à me pencher sur la transmission. Je voudrais que ce projet, et ses valeurs, me survivent.

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